On s’en souvient tous. Ce mardi matin-là, la présentatrice météo avait les yeux plus humides que la Manche un jour de houle. Sur fond rouge sang, elle annonçait une tempête du siècle, un phénomène si rare qu’on le retrouve tous les deux mois. « Une bombe météorologique », titrait un site d’information très sérieux qui, deux jours plus tôt, nous avertissait d’une « canicule hivernale » à cause de 12 degrés en janvier.
Spoiler : il a plu. Un peu. Surtout sur les gens qui avaient oublié leur parapluie.
La météo : cette série Netflix qu’on ne regarde plus, mais qui continue de faire des saisons
Il fut un temps où la météo, c’était Gisèle sur fond de carte en carton, et des flèches moches qui disaient : « Il fera beau là, moche là, et faut pas rêver là. » Aujourd’hui, c’est devenu un véritable show apocalyptique.
Dès qu’une brise soulève un slip sur une corde à linge, les chaînes d’infos déclenchent le plan ORSEC.
Images de vaguelettes en slow motion, hélicoptère en carton CGI survolant la pluie, musiques dignes d’un film de Roland Emmerich et journalistes envoyés « sur le terrain », c’est-à-dire dans un champ où ils se battent contre une légère bruine.
« On voit derrière moi une poubelle… légèrement renversée. L’intensité du vent ici est… ah non c’est un cycliste, pardon. »
Le suspense est insoutenable.
Alarme rouge, cœur violet, code panique
À force d’inventer des niveaux d’alerte colorés, on s’y perd.
Alerte orange, rouge écarlate, fuchsia…
On ne sait plus si on doit prendre un parapluie ou appeler sa famille une dernière fois.
Et pourtant, chaque bulletin météo ressemble à un scénario de fin du monde :
- « Les vents pourraient atteindre 80 km/h… »
- « Les précipitations risquent d’imbiber les trottoirs… »
- « Un automobiliste pourrait être surpris par une flaque perfide… »
Pendant ce temps, mamie Josiane sort les poubelles en robe de chambre, La vraie survivante.
Le climat change ? Pas de souci, tant que l’info reste divertissante
Ce qui est beau dans tout ça, c’est qu’on parle beaucoup de météo… mais rarement de climat.
Parce que oui, un océan qui monte ou des saisons qui se confondent, c’est moins vendeur que « L’Aquapocalypse de mercredi prochain ».
La météo est devenue le parfait compromis entre l’info sérieuse et le divertissement : une dose d’angoisse pour booster l’audience, un fond sonore dramatique, et des visuels 3D dignes d’un mauvais film d’animation de 2004.
Et nous ?
On regarde ça entre deux stories Instagram de couchers de soleil en filtre Lo-Fi. On se dit « C’est fou quand même, la planète », et on oublie aussitôt après, parce qu’il y a une nouvelle alerte météo pour demain :
« Risque de légers vents et possibilité de nuages vaguement menaçants. »
Les vraies victimes : les parapluies
Le vrai drame de cette météo-spectacle, c’est qu’elle ne prépare plus personne à rien.
Soit vous sortez sans rien et vous finissez en éponge,
Soit vous sortez avec votre plus gros k-way, et vous finissez moqué comme un joueur de curling en pleine rue piétonne.
Sans compter tous ces parapluies sacrifiés, morts dans l’honneur, les baleines arrachées par des bourrasques imaginaires.
Moralité ?
Le jour où une vraie tempête arrive, on pensera tous que c’est une rediffusion.
Mais au fond, c’est ça la beauté de notre époque : on est submergé par les infos, mais on ne sait jamais s’il faut paniquer ou sortir une bière.
Alors vive la météo…
Et n’oubliez pas de lever les yeux au ciel. Pas pour chercher le soleil. Juste pour prendre un peu de recul.