Alors que l’humanité aurait pu utiliser Internet pour répandre la connaissance, rapprocher les peuples ou trouver une recette de pâtes qui ne finit pas en gastro, une autre vague a balayé l’algorithme : le phénomène #WitchTok.
Un coin sombre de TikTok où des milliers de jeunes, souvent maquillés comme si le diable avait une palette Sephora, pratiquent la sorcellerie entre deux unboxings de pierres de lune.
Au menu : sortilèges pour attirer l’amour, tutoriels pour purifier ton appartement des mauvaises ondes (et des locataires chiants), tirages de cartes du tarot plus vagues qu’un horoscope écrit sous LSD, et conseils pratiques pour “liquider ton ex avec élégance cosmique”.
L’algorithme ne ment jamais : 45 milliards de vues pour un sabbat numérique
#WitchTok cumule à ce jour plus de 45 milliards de vues. Pour te donner une idée, c’est environ 45 milliards de fois plus que le nombre de fois où les gens ont ouvert un vrai livre sur la Wicca.
Ces vidéos, souvent filmées avec un filtre néon et une ambiance plus glauque que la chambre d’un ado fan de Tim Burton, présentent la magie comme un lifestyle. Ici, on ne va pas à Poudlard, on réinvente les rituels païens en leggings Lululemon.
Il suffit d’une bougie, trois coquillages, un cristal acheté sur Etsy et une playlist de Lana Del Rey pour réaligner ton chakra racine et bloquer énergétiquement ton collègue relou.
Des pratiques ancestrales à base de sel… rose d’Himalaya
Les jeunes adeptes du #WitchTok mélangent joyeusement traditions celtiques, folklore haïtien, astrologie pop, développement personnel et recommandations Amazon Prime.
Un exemple ? La “bouteille de protection”, censée te défendre contre les mauvaises énergies, est maintenant vendue en ligne, pré-remplie avec du sel rose, de la lavande séchée et une pub pour une appli de méditation.
Des vidéos plus engagées proposent même des rituels pour “mettre à terre les hommes cis” (formulé en rimes SVP), ou pour faire tomber la pluie sur des zones touchées par la canicule, en secouant un flacon de gel hydroalcoolique direction le ciel.
Sorcières 2.0 : le bal des contradictions
Mais attention : toute cette magie est “éthique”, selon ses pratiquants.
Pas question de jeter des malédictions gratuites (sauf pour les ex, les managers toxiques et les climatosceptiques). La “nouvelle sorcière” est éco-responsable, bienveillante, inclusive et anticapitaliste, même si elle vend ses filtres d’amour en dropshipping.
Elle te dira qu’il ne faut pas interférer avec le libre arbitre… sauf pour ton crush de la salle de sport, qui va mystérieusement “s’ouvrir au dialogue” après un bain rituel au gingembre et au lait d’avoine.
L’envoûtement est dans l’algorithme
Les sociologues eux-mêmes s’arrachent les cheveux (et peut-être quelques mèches de cheveux de sorcières). Pour certains, le phénomène #WitchTok répond à une crise de sens dans une société hyperconnectée et déspiritualisée.
Pour d’autres, c’est juste un gros délire qui permet de vendre des colliers à 40 balles avec un quartz trouvé dans un bac à sable.
Dans un monde où l’influenceur moyen te vend du thé détox entre deux placements de casinos en ligne, la sorcière numérique vient réenchanter l’absurde. Une spiritualité sur mesure, taillée pour des gens qui lisent leur destin entre deux scrolls de vidéos de chats et de coachs de vie autoproclamés.
Conclusion : Quand TikTok devient un grimoire interactif
Dans le fond, #WitchTok n’est ni plus ni moins qu’un reflet exact de notre époque : un monde où l’on invoque les esprits sur une app made in Chine, où la magie devient une option esthétique, et où l’intention remplace la réflexion.
Finalement, que tu jettes des sorts à la pleine lune ou que tu poses un filtre Clarendon sur ta solitude, le besoin est le même : croire à quelque chose, n’importe quoi, tant que ça brille et que ça se filme en vertical.
Alors allume une bougie, verse trois gouttes d’eau bénite sur ton iPhone, et souviens-toi : si le réel te dérange, il y a sûrement une incantation pour le flouter.
Ou pire : un tuto.